La campagne de fouille 2021

En 2021, nos efforts se sont de nouveau portés sur les deux plateformes se trouvant au pied de la station tachéomètre. Ils ont permis la mise au jour, outre des restes osseux de micro et méga faune, de l’industrie lithique, de nombreux charbons de bois et d’os, des zones charbonneuses et rubéfiées de structures de combustion et de nombreuses traces et empreintes humaines et animales.

Si les empreintes humaines reconnues sur les aires d’activités liées au traitement des carcasses animales correspondent majoritairement à des traces de pieds laissés par des adolescents et des adultes, les espaces périphériques montrent une grande majorité de traces faites par des enfants et des adolescents. Ce sont ces espaces périphériques que nous avons fouillés en 2021, révélant 432 nouvelles traces et empreintes majoritairement humaines, portant le nombre des poinçonnements mis au jour au Rozel à 2317. Ces derniers se rapportent à 2047 pieds humains, 35 mains, 7 genoux, 1 vraisemblable paire de fesses d’un tout petit enfant, 124 traces animales et 113 poinçonnements d’origine indéterminée.

Ces empreintes ont suscité divers questionnements inhérents à la constitution du groupe et à l’éventuelle utilisation de « chaussants » par les paléolithiques. Aussi, avons-nous mis en place plusieurs « ateliers » expérimentaux visant à tenter une approche de ces thématiques afin notamment de tenter d’appréhender la représentativité des empreintes laissées par les « bébés » et les enfants, par rapport à celle concernant les adolescents et les adultes.

Expérimentation : « emballage » du pied dans une peau de chevreau, poils à l’extérieur (© D. Cliquet).

Cette étude préliminaire a été conduite avec l’aide de familles, dans le cadre de la Prospection thématique consacrée aux premiers peuplements de Normandie. Les résultats sont éloquents ; les très jeunes et les jeunes font beaucoup plus de pas que les adolescents et les adultes. Ce constat invite donc à relativiser les déductions faites par Jérémy Duveau dans sa thèse (2020) comme quoi les groupes humains comportaient principalement des enfants.

Très rapidement, la morphologie de certains poinçonnements suggérait l’utilisation de « chaussants », les caractéristiques anatomiques correspondant à des empreintes faites par des pieds nus n’étant plus reconnaissables.

En effet, l’épaisseur de cuir « emballant » le pied en modifie la « géométrie » et adoucit l’impression laissée par le poinçonnement sur le sol impacté. Les résultats obtenus en 2021 sur des sédiments similaires à ceux des sols archéologiques montrent une vraisemblable utilisation de « chaussants » par une majorité d’individus, dont des enfants.

Piste de pieds d’enfants longeant la base du « bourrelet » dunaire sur un sol sableux du Complexe D3b.4 (© D. Cliquet).

Parallèlement aux travaux de terrain et aux expérimentations, les études ont principalement porté sur les ensembles de micro-vertébrés démontés en connexion anatomique et sur les mollusques.

Éléments de microfaune en connexion dans les sables interstratifiés entre D3b.3 et D3b.4 (© D. Cliquet, MC.)

Celles-ci apportent leur concours à l’analyse taphonomique (*) et paléo-environnementale du site, confirmant les premières observations effectuées sur les insectes, les oiseaux et les charbons de bois. En effet, ces études permettent de reconstituer le contexte environnemental ouvert du site, plus forestier des alentours au Début Glaciaire weichselien.

L’étude malacologique (des mollusques) met en évidence l’enregistrement de deux interstades séparés par un stade caractérisé par une forte baisse de la température, un net appauvrissement de la végétation locale et la disparition de la forêt environnante. Elle permet de caractériser le paléoenvironnement local au moment des occupations humaines D3b-3 à D3b-1, montrant que ces occupations sont contemporaines d’optimums de température.

Du fait de l’importante décarbonation des niveaux D3b.4 et D3b.5, l’étude malacologique n’apporte que peu d’éléments.

Petit à petit, les pièces du puzzle se mettent en place grâce aux disciplines connexes de l’archéologie qui interrogent les sciences de la Terre, les sciences naturelles, les sciences physico-chimiques… Les résultats de ces travaux permettent une appréhension de plus en plus fine des conditions environnementales et des modes de vie de ces populations itinérantes qui ont fréquenté la dune du Rozel, il y a environ 80 000 ans.

Empreintes dans les niveaux sableux interstratifiés inter D3b.3 / D3b.4 d : poinçonnements d’un pied de cheval (© D. Cliquet).

Scapula issue des niveaux interstratifiés compris entre D3b.3 et D3b.4 (© D. Cliquet).

Fragment de lame issus du niveau D3b.4 (© D. Cliquet).

* Étude taphonomique : observations effectuées sur la manière dont ont évolué les sédiments et les vestiges qu’ils incorporent entre le moment où les Paléolithiques ont quitté le massif dunaire et le moment où nous mettons au jour ces vestiges.

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