La campagne de fouille 2014

Bois de chute de cerf élaphe de grande taille (© D. Cliquet, MC).

Durant l’été 2014, nos efforts se sont focalisé sur la poursuite de l’analyse des sols d’occupation et des amoncellements de blocs et des coulées de blocailles qui séparent la partie supérieure du massif dunaire de la partie inférieure. Ceux-ci illustrent d’important épisodes d’éboulements de blocs de schiste de la partie supérieure de la falaise traduisant les pulsions froides et humides de la fin du dernier interglaciaire où le gel peut s’exprimer. Entre ces phases des individus se sont installés. En témoignent, des vestiges lithiques et de faune consommée, la présence de foyers et d’empreintes humaines.

Amas de débitage d’éclats en silex à proximité de l’aire de travaux de boucherie (© D. Cliquet, MC).
Foyer allumé à même le sol avec du pin syvestre sur les espace de traitement des carcasses d’herbivores (© D. Cliquet, MC).
Fragment de buche carbonisée trouvée à proximité d’un foyer (© D. Cliquet, MC).

Ainsi, deux ensembles s’individualisent, séparés par un puissant éboulis.

L’ensemble supérieur comporte trois sols (D3.1 à D3.3) correspondant à des aires de travaux de boucherie qui présentent globalement le même type de structuration de l’espace comportant des enclumes en pierre, de nombreuses plaques de schiste, apportées sur la dune et posées au sol, des postes de débitage d’éclats (amas) destinés à la production de supports d’outils, des foyers et des aires de piétinement de Néandertaliens.

Vestiges de faune sur l’aire de découpe d’ herbivores (© D. Cliquet, MC).
Amas de silex taillés au sein de l’aire de de travaux de boucherie (© D. Cliquet, MC).

Sous l’éboulis, dans l’ensemble inférieur, la faune apparaît moins bien conservée. Le mobilier lithique, en quartz et en silex s’individualise par une production laminaire et lamellaire obtenue par débitage semi-tournant et tournant, comme dans l’abri TR 67, fouillé par F. Scuvée. Le complexe D3.4 a livré de nombreuses empreintes de pieds.

Empreinte du pied gauche d’un adulte dans un sol sableux, organique, incorporant des esquilles d’os de faune (© D. Cliquet, MC).

La campagne de fouille 2013

Durant l’été 2013 plusieurs petits niveaux organiques correspondant en fait à des sols initialement végétalisés superposés « fossilisés » par des accumulations de sable ont été mis au jour. Ils ont livré : plusieurs enclumes destinées à la fracturation des os longs d’herbivores (cerf, aurochs et cheval) pour en extraire et consommer la moelle, de nombreuses plaques de schistes, apportées sur la dune et posées au sol, interprétées comme des « plats » destinés à isoler les viandes du sol constitué de sable, plusieurs postes d’affûtage d’au moins trois racloirs dont on peut suivre technologiquement et spatialement l’utilisation, plusieurs foyers alimentés en bois végétal (pin, épicéa, sapins majoritairement) et en os spongieux dont la dévolution restait à préciser notamment par le biais des analyses chimiques (acides organiques).

Esquille osseuse issue de la fracturation hélicoïdale d’un os long de cerf afin d’en extraire la moelle, montrant des traces de découpe (© N. Sévêque).
Racloir double en silex (© D. Cliquet).
Bréchet d’oiseau trouvé dans un niveau de sable dunaire interstratifié entre les sols d’occupation (© J. Guériel).
Squelette d’un rongeur « piégé » dans son terrier sous un sol d’occupation (© D. Cliquet, MC).
Vertèbres de raie trouvées dans les niveaux de sable dunaire entre les niveaux d’occupation (© J.Guériel).

De nouveaux éléments apportant leur contribution à la connaissance des environnements ont été mis au jour. Au cortège classique : cerf, aurochs, cheval, plusieurs espèces d’environnements tempérés ont été reconnues sur les sols de travaux de boucherie : le chevreuil, le rhinocéros et l’éléphant, uniquement représentés par quelques restes.

Sol d’un espace dédié aux travaux de boucherie (désarticulation, découpe) d’herbivores (© D. Cliquet, MC).

La fouille 2013 a permis l’étude de la dynamique de mise en place de l’éboulis de blocs de schiste en pied d’abri (à l’ouest de la zone investiguée). Ce dernier incorporait les artefacts d’un amas de débitage de rognons de silex.

Enfin, et surtout, deux aires de piétinement de néandertaliens associés aux sols D3-1 & D3-2 témoignent de la présence d’adultes, d’adolescents et d’enfants sur ces aires de travaux de boucherie et de traitement des matières carnées. Certaines empreintes suggéraient la présence de pieds chaussés !?

Sol poinçonné par le piétinement sur une des aires de travaux de boucherie (© D. Cliquet).
Empreinte du pied gauche d’un adulte dans un sol sablo-argileux (© D. Cliquet, MC).

La campagne de fouille 2012

Si les travaux anciens avaient déjà souligné le caractère exceptionnel des vestiges, les investigations engagées en 2012 confirment ces premières impressions.

Terrassement de la partie supérieure du massif dunaire (© D. Cliquet, MC).

Les terrassements effectués en début de campagne ont livré quelques silex et quartz taillés correspondant à l’occupation la plus récente du massif dunaire, vers 70 000 ans. À l’exception du petit lambeau préservé sur le replat du rebord de la falaise de schiste, ce sol a été démantelé rapidement après vers 70 / 68 000 ans par les coulées de blocailles qui marquent le début de la phase froide et humide du Dernier Glaciaire.

Terrassement de la partie supérieure du massif dunaire (© D. Cliquet, MC).

Les nouvelles investigations menées durant l’été 2012 ont dépassé nos espérances avec la mise au jour de témoignages très rares pour ces périodes anciennes.

Ce sont, des vestiges qui nous renseignent sur les environnements : restes d’insectes fossiles très bien conservés, associés à l’aire de travaux de boucherie, charbons de bois, mollusques terrestres, ossements de rongeurs, d’amphibiens, de reptiles, de poissons, d’oiseaux.

Foyer allumé à même le sol et entretenu avec du bois et des os spongieux (© D. Cliquet, MC).
Insectes de la famille des charançons trouvés dans les sols organiques (© P. Ponel, CNRS).
Os spongieux brûlé trouvé à proximité d’un foyer (© D. Cliquet, MC).
Mollusques terrestres vivant dans les massifs dunaires végétalisés trouvés dans les niveaux d’occupation (© D. Cliquet, MC).
Vestiges osseux de rongeurs trouvés dans les niveaux dunaires et dans les sols d’occupation (© D. Cliquet, MC).

Le site s’individualise par l’exceptionnelle conservation des vestiges de faune dominée par le cerf, le cheval et l’aurochs, notamment des stigmates d’interventions humaines sur les « carcasses » animales rapportées sur le site : traces de découpe, de prélèvement de peau, de fracturation des os longs d’herbivores pour en extraire la moelle, d’utilisation d’esquilles osseuses comme retouchoirs.

Bois de chute d’un cerf élaphe (© D. Cliquet, MC).
Vestiges de faune découpée et consommée dont une vertèbre d’aurochs (© D. Cliquet, MC).
Enclume en quartz utilisée pour la fragmentation des os longs d’herbivores pour en extraire la moelle (© D. Cliquet, MC).
Racloir double convergent trouvé sur l’aire de travaux de boucherie (© D. Cliquet).

Mais c’est surtout l’extraordinaire conservation dans un site de plein air, d’empreintes de Néandertaliens imprimées dans un petit sol boueux qui confère au gisement une valeur particulière. Ce « miracle archéologique » est dû à l’apport constant de sable par le vent, assurant un recouvrement rapide des sols d’occupation.

Empreintes de pas poinçonnées dans un petit sol organique (© D. Cliquet, MC).
La même vue avec les empreintes cerclées (© D. Cliquet, MC).

Parallèlement les travaux de post-fouille ont été engagés : étude des faunes, détermination des essences végétales d’après les charbons de bois (anthracologie).