La campagne de fouille 2022

La campagne 2022 a été consacrée à la poursuite de l’analyse des banquettes se trouvant au pied de la station topographique, livrant 550 nouvelles traces et empreintes dont des pistes. Ce sont donc environs 2900 traces et empreintes qui ont été mises au jour au Rozel.

La très faible densité en mobilier archéologique (silex et quartz taillés, vestiges osseux) confirme le fait que nous sommes en marge des aires de travaux divers : traitement des carcasses animales, débitage d’éclats en pierre, utilisation de foyers pour la cuisson et le fumage des viandes.

Cette année, notre attention s’est portée sur la révision de l’enregistrement stratigraphique de la plage du dernier interglaciaire à la base des formations hétérogènes de versant (head), soit entre 115 et 70 ans.

Prélèvements sédimentologiques effectués sur la coupe de référence par Guillaume Jamet, quaternariste.

Cette reprise des coupes a été l’occasion de procéder à de nouveaux prélèvements pour datations et échantillonner les mollusques sur l’ensemble de la base de la séquence. Ce travail a confirmé la présence d’un niveau d’occupation dense rapportable au début du dernier glaciaire quand le massif dunaire a commencé à se mettre en place. Il faudra encore quelques années avant de fouiller ces sols qui comportent pierres taillées et vestiges de faune.

Nettoyage de la grande coupe de référence du site par Jacques Richard (© D. Cliquet)

Parallèlement à la fouille, les expérimentations se sont poursuivies, tant sur la représentativité du nombre de pas effectués par les différents membres constituant un groupe comportant des individus de tous âges, sur des parcours bien caractérisés (topographie, longueur, état des chemins, conditions climatiques…) que sur l’éventuelle utilisation de « chaussants ».

Expérimentations « pied nu » / « pied chaussé » : mise en place des boites (© D. Cliquet)

Expérimentations « pied nu » / « pied chaussé » : suivi du protocole expérimental (© D. Cliquet)

Cette dernière expérimentation montre que la plupart des empreintes ont été faites avec des pieds « emballés » dans des peaux, quels que soient les niveaux archéologiques et l’âge des individus ayant séjourné dans la dune du Rozel.

Enfin, les investigations se poursuivent sur la caractérisation des éléments organiques. Si les analyses des matières organiques imprégnant les aires de combustion apportent leur concours et permet une approche des espèces traitées par le feu et des modes de cuisson et de fumage, elles attestent du traitement exclusif d’herbivores dont des ruminants (aurochs). Par ailleurs, l’analyse des protéines contenues dans les vestiges osseux révèlent des « empreintes génétiques » des peptides spécifiques à chaque espèce animale, même sur des charbons d’os pas trop dégradés.

Cette dernière technique serait donc fort précieuse pour le site du Rozel en cas de découverte de restes humains non caractéristiques au plan de la détermination systématique et non déterminable par l’ADN.

Dent d’herbivore dans les niveaux sableux interstratifié D3b.3 / D3b.4 (© D. Cliquet)

Crâne de rongeur trouvé dans le sol D3b.4 (© D. Cliquet)

Mollusques terrestres sur le sol D3b.4, poinçonné par une empreinte de pied (© D. Cliquet)

Empreintes de pieds d’enfants (© D. Cliquet)

Fragment de diaphyse d’herbivore présentant une fracturation hélicoïdale caractéristique de la récupération de moelle. Ce mobilier vient des niveaux d’occupation les plus anciens du site b(en cours de datation) (© D. Cliquet)

La campagne de fouille 2021

En 2021, nos efforts se sont de nouveau portés sur les deux plateformes se trouvant au pied de la station tachéomètre. Ils ont permis la mise au jour, outre des restes osseux de micro et méga faune, de l’industrie lithique, de nombreux charbons de bois et d’os, des zones charbonneuses et rubéfiées de structures de combustion et de nombreuses traces et empreintes humaines et animales.

Si les empreintes humaines reconnues sur les aires d’activités liées au traitement des carcasses animales correspondent majoritairement à des traces de pieds laissés par des adolescents et des adultes, les espaces périphériques montrent une grande majorité de traces faites par des enfants et des adolescents. Ce sont ces espaces périphériques que nous avons fouillés en 2021, révélant 432 nouvelles traces et empreintes majoritairement humaines, portant le nombre des poinçonnements mis au jour au Rozel à 2317. Ces derniers se rapportent à 2047 pieds humains, 35 mains, 7 genoux, 1 vraisemblable paire de fesses d’un tout petit enfant, 124 traces animales et 113 poinçonnements d’origine indéterminée.

Ces empreintes ont suscité divers questionnements inhérents à la constitution du groupe et à l’éventuelle utilisation de « chaussants » par les paléolithiques. Aussi, avons-nous mis en place plusieurs « ateliers » expérimentaux visant à tenter une approche de ces thématiques afin notamment de tenter d’appréhender la représentativité des empreintes laissées par les « bébés » et les enfants, par rapport à celle concernant les adolescents et les adultes.

Expérimentation : « emballage » du pied dans une peau de chevreau, poils à l’extérieur (© D. Cliquet).

Cette étude préliminaire a été conduite avec l’aide de familles, dans le cadre de la Prospection thématique consacrée aux premiers peuplements de Normandie. Les résultats sont éloquents ; les très jeunes et les jeunes font beaucoup plus de pas que les adolescents et les adultes. Ce constat invite donc à relativiser les déductions faites par Jérémy Duveau dans sa thèse (2020) comme quoi les groupes humains comportaient principalement des enfants.

Très rapidement, la morphologie de certains poinçonnements suggérait l’utilisation de « chaussants », les caractéristiques anatomiques correspondant à des empreintes faites par des pieds nus n’étant plus reconnaissables.

En effet, l’épaisseur de cuir « emballant » le pied en modifie la « géométrie » et adoucit l’impression laissée par le poinçonnement sur le sol impacté. Les résultats obtenus en 2021 sur des sédiments similaires à ceux des sols archéologiques montrent une vraisemblable utilisation de « chaussants » par une majorité d’individus, dont des enfants.

Piste de pieds d’enfants longeant la base du « bourrelet » dunaire sur un sol sableux du ComplexeD3b.4 (© D. Cliquet).

Parallèlement aux travaux de terrain et aux expérimentations, les études ont principalement porté sur les ensembles de micro-vertébrés démontés en connexion anatomique et sur les mollusques.

Éléments de microfaune en connexion dans les sables interstratifiés entre D3b.3 et D3b.4 (© D. Cliquet, MC.)

Celles-ci apportent leur concours à l’analyse taphonomique (*) et paléo-environnementale du site, confirmant les premières observations effectuées sur les insectes, les oiseaux et les charbons de bois. En effet, ces études permettent de reconstituer le contexte environnemental ouvert du site, plus forestier des alentours au Début Glaciaire weichselien.

L’étude malacologique (des mollusques) met en évidence l’enregistrement de deux interstades séparés par un stade caractérisé par une forte baisse de la température, un net appauvrissement de la végétation locale et la disparition de la forêt environnante. Elle permet de caractériser le paléoenvironnement local au moment des occupations humaines D3b-3 à D3b-1, montrant que ces occupations sont contemporaines d’optimums de température.

Du fait de l’importante décarbonation des niveaux D3b.4 et D3b.5, l’étude malacologique n’apporte que peu d’éléments.

Petit à petit, les pièces du puzzle se mettent en place grâce aux disciplines connexes de l’archéologie qui interrogent les sciences de la Terre, les sciences naturelles, les sciences physico-chimiques… Les résultats de ces travaux permettent une appréhension de plus en plus fine des conditions environnementales et des modes de vie de ces populations itinérantes qui ont fréquenté la dune du Rozel, il y a environ 80 000 ans.

Empreintes dans les niveaux sableux interstratifiés inter D3b.3 / D3b.4 d : poinçonnements d’un pied de cheval (© D. Cliquet).

Scapula issue des niveaux interstratifiés compris entreD3b.3 à D3b.4 (© D. Cliquet).

Fragment de lame issus du niveau D3b.4 (© D. Cliquet).

* Étude taphonomique : observations effectuées sur la manière dont ont évolué les sédiments et les vestiges qu’ils incorporent entre le moment où les Paléolithiques ont quitté le massif dunaire et le moment où nous mettons au jour ces vestiges.

La campagne de fouille 2020

En 2020, malgré une période de fouille plus courte et une équipe réduite du fait des conditions sanitaires liées à l’épidémie de COVID, nos investigations se sont portées sur les niveaux d’occupation se trouvant au pied de la station topographique : sol D3b.3 de la dune supérieure et la partie sommitale du Complexe D3b.4 de la dune inférieure.

Ces niveaux ont livré 332 nouvelles traces et empreintes, principalement de pieds humains se rapportant principalement à des enfants et à des adolescents, ce pour tous les niveaux investigués.

Empreinte de pied d’adulte en D3b.4 (© D. Cliquet)

La distribution des empreintes de pieds dans le Complexe D3b.4, correspondant à des sols interstratifiés de nappages de sable apporté par le vent confirme le fait que ce secteur du massif dunaire correspond bien à une zone de « stationnement » des jeunes individus (« aire de jeu » ?) se trouvant en périphérie des espaces de traitement des carcasses animales (récupération de viande, de moelle et de peau, cuisson et fumage).

Empreinte de pied d’enfant en D3b.4 (© D. Cliquet)

À l’issue de la campagne 2020, ce sont plus de 1 880 traces et empreintes qui ont été mises au jour, représentant plus de 95 % des empreintes de Néandertaliens actuellement connues pour l’ensemble du monde néandertalien.

Les études réalisées sur les micro-vertébrés et les oiseaux apportent une importante contribution à la connaissance des paléo-environnements, des paléoclimats et de la période de fréquentation du site par ces animaux. Ces derniers se trouvent sur le site au printemps et en été, période durant laquelle les néandertaliens sont absents. Ces résultats corroborent les observations effectuées sur la grande faune qui attestaient une occupation humaine du site en automne, hiver, voire début printemps. L’excellent état de conservation des vestiges osseux des micro vertébrés (rongeurs, taupes, batraciens, lézards, reptiles) et des oiseaux, a permis de déterminer l’origine de ces restes sur le site : mort naturelle, restes d’animaux consommés par des prédateurs (petits carnivores, oiseaux de proie). Enfin et surtout quelques vestiges d’avifaune témoignent d’une vraisemblable récupération de serres d’une buse, phénomène attesté dans quelques sites du Paléolithique moyen : Krapina en Croatie, les Fieux dans le Lot, et de prélèvement de rémiges sur des ailes de goéland et d’un rapace diurne de la taille d’un circaète. L’exploitation des oiseaux pour la récupération de plume est attestée en Italie à Fumane et en Espagne dans les sites de Gibraltar. Ces prélèvements témoignent de préoccupations non matérielle tout comme la présence du petit bloc d’hématite trouvé dans la dune inférieure.

Patte de buse partiellement en connexion (© Q. Goffette).

Ossements de l’aile droite d’un goéland marin (Larus cf. marinus) présentant des traces de découpe liées à la récupération de rémiges (© Q. Goffette).

De ce fait, le site du Rozel apporte une contribution majeure à la connaissance des paysages du début weichselien dans lesquels évoluaient les humains, à la perception des néandertaliens, tant sur la constitution des groupes, que sur la gestion de l’espace ou les traditions culturelles.

La campagne de fouille 2019

Nos investigations se sont portées, cette année encore sur les sols d’occupation du massif dunaire inférieur (complexe D3.4) et sur les trois sols supérieurs (D3b.1 à D3b.3) autour de la station de géo-référencement des vestiges au tachéomètre. Cette réduction de surface du « plot » de la station a été conditionnée par le projet de publication monographique des sols du massif dunaire supérieur (études en cours). En effet, ces sols supérieurs s’individualisent au plan techno-culturel des occupations sous-jacentes. La fouille en étant achevée (sauf sous la station tachéomètre qui restera en place jusqu’à la fin des investigations), il nous a semblé raisonnable de gérer les travaux de post-fouille parallèlement à la poursuite des opérations de terrain afin de pouvoir dresser un bilan complet des travaux effectués sur le site depuis 2012.

Comme l’an passé, le complexe de sols interstratifiés de nappages de sable apporté par le vent (Complexe D3b.4) a livré un grand nombre d’empreintes de pas humains, de mains et de traces de pattes animales. Comme les années passées, ce sont les pas d’enfants et d’adolescents qui dominent le corpus. Cette zone correspond à une zone de « stationnement » des jeunes individus (« aire de jeu » ?) et de passage de tous les membres constituant le groupe, en périphérie des aires de traitement des carcasses animales (récupération de viande, de moelle et de peau).

En marge de ces deux ensembles, un foyer a été mis au jour, conservant ses cendres et ses charbons de bois. Ces éléments feront l’objet d’analyses et de détermination des essences végétales utilisées pour l’alimentation de ce foyer. Deux empreintes de pas d’enfant ont été poinçonnées dans les cendres en bordure du foyer.

Foyer et empreintes de pas (étiquettes jaunes) en périphérie d’un foyer implanté en bordure de l’éboulis du Complexe de sols D3b.4 (© D. Cliquet, MC).

Les sols supérieurs ont aussi livré des empreintes de pas d’individus . Comme pour l’ensemble de niveaux d’occupation fouillés, ce sont les empreintes d’enfants et d’adolescents qui dominent, les espaces investigués en 2019 se trouvant en marge des aires de travaux de boucherie et de traitement des viandes par cuisson et /ou fumage.

Empreintes consolidées à la résine sur le sol D3b.2 à l’ouest du « plot tachéomètre » (© D. Cliquet, MC).

Un foyer a été reconnu, le combustible regroupant à la fois du bois végétal et de l’os. À côté du foyer un fragment de bois de cervidé à été trouvé ainsi que quelques éclats de silex.

Concentration de charbons, vestiges d’un foyer à plat du sol D3b.1 érodé par le vent, il y a 80 000 ans. Seuls subsistent quelques rares éléments de ce sol déstructuré (© D. Cliquet, MC).
Fragment de bois de cerf témoignant de l’occupation D3b.1, dont le sol a été érodé par le vent, il y a 80 000 ans (© D. Cliquet, MC).

A l’issue de la campagne 2019, ce sont plus de 1500 traces et empreintes humaines qui ont été mises au jour, représentant plus de 99% des empreintes de Néandertaliens actuellement connues pour l’ensemble du monde néandertalien qui couvrent l’essentiel de la partie occidentale de l’Eurasie et le Moyen Orient.

Moulage d’une portion de sol au silastène (caoutchouc liquide) et chape en résine polyester armée (© D. Cliquet, MC).

Une partie de ces empreintes a fait l’objet d’un travail de thèse au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris de la part de Jérémy Duveau qui devrait présenter son travail en décembre prochain. Cette thèse a porté sur une sélection d’empreintes des années 2012 à 2017 présentant des caractéristiques permettant d’en faire une analyse anatomique. Les grandes lignes de ce travail (problématiques, méthodologie et résultats préliminaires) ont été publiées dans une revue scientifique américaine à comité de lecture, publiant les comptes rendus de l’Académie américaine des sciences (Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America) conférant à ce site exceptionnel une notoriété internationale, notoriété à l’origine de nombreux articles dans la presse internationale, un passage à l’émission de France Culture Carbone 14, plusieurs demandes de réalisations cinématographiques dans le cadre de documentaires consacrés à l’Homme de Néandertal…

Cependant, cette renommée ne doit pas nous faire oublier nos objectifs scientifiques initiaux, notamment l’étude palethnographique des différents niveaux d’occupation, afin d’approcher les modes de vie de nos cousins néandertaliens dans leurs environnements.

La campagne de fouille 2018

Cette année encore notre attention s’est portée sur les sols du massif dunaire inférieur, notamment du complexe D3.4 qui conserve plusieurs centaines d’empreintes humaines (pieds, mains, genoux) et de traces de pattes animales. Ces empreintes essentiellement trouvées dans les zones périphériques aux aires de traitement des carcasses animales permettent de tenter une approche des individus constituant le groupe. Environ 80% des 1 100 empreintes mises au jour proviennent du Complexe D3.4. Elles attestent de la présence d’enfants (dont au moins un très jeune de 2 ou 3 ans), d’adolescents et d’adultes qui constituent un groupe humain de 10 à 14 individus. Rappelons que le site du Rozel a livré plus de 99 % des empreintes de pas de Néandertaliens actuellement connues. C’est le seul site à conserver des empreintes de mains.

Espace de « stationnement » des jeunes et de circulation des individus constituant le groupe de chasseurs-cueilleurs (© D. Cliquet, MC).

Au plan environnemental, l’excellent état de conservation des faunes permet une approche du milieu dans lequel évoluaient les Néandertaliens. Le paysage qui s’inscrit dans une phase tempérée relativement humide du Pléistocène supérieur, est constitué de prairies, présentant quelques boisements et des plans d’eau. Ces occupations ont fait l’objet de nouvelles datations. Elles montrent que ces occupations récurrentes sont peu espacées dans le temps. Les résultats obtenus par les méthodes de luminescence (osl sur quartz et irsl sur feldspath) donnent un faisceau de dates autour de 80 000 ans.

 Galerie de rongeur sous-jacente à un sol de dune dégradé (© D. Cliquet, MC).

Concomitamment aux travaux de fouille, les études sur les mobiliers se sont poursuivies, sur la microfaune, sur les poissons, sur les charbons de bois ou encore sur les empreintes humaines et animales.

Éclat laminaire en silex local (© D. Cliquet, MC).
Empreinte du pied droit d’un adolescent dans le sable, les orteils sont visibles (© D. Cliquet, MC).

La campagne de fouille 2017

Durant la campagne 2017, la stratigraphie des niveaux d’occupation fouillés depuis 2012 a fait l’objet d’une analyse géomorphologique et paléo-pédologique fine de la part de Guillaume Jamet (Géoarchéon) visant à préciser la mise en place des coulées sablo-boueuses qui ont conservé nombre de traces et d’empreintes de pas des paléolithiques qui ont fréquenté le site. Ces sols ont fait l’objet de nouvelles datations radionumériques (N. Mercier) qui tendent à rajeunir le site. Les résultats obtenus par les méthodes de luminescence (osl sur quartz et irsl sur feldspath) donnent un faisceau de dates autour de 80 000 ans (Mercier et al, 2019).

Étude des niveaux stratigraphiques constituant le site (© A. Gilles).
Vue de l’éboulis nord séparant la dune supérieure du complexe dunaire inférieur (© D. Cliquet, MC).
Vestige d’un foyer allumé à même le sol (© D. Cliquet, MC).
Esquille osseuse (© D. Cliquet, MC).

Par ailleurs, la campagne 2017 s’est surtout concentrée sur la fouille des espaces périphériques du site, lieu de passage de la plupart des membres du groupe. Ce sont 309 nouvelles empreintes de pas, de mains et de pattes animales qui ont été mises au jour, portant le corpus à presque 600 traces et empreintes. Rappelons que seules 8 autres empreintes de pas, mises au jour dans 3 sites, sont actuellement connues pour l’ensemble du monde néandertalien. Aucune empreinte de main néandertalienne n’est jusqu’alors attestée. Le site du Rozel a donc livré à lui seul plus de 98 % des empreintes de pas connues au monde. Celles-ci se regroupent, pour les zones investiguées, en 4 classes de tailles attestant en marges de ce site d’acquisition de viande, de la présence de bébés, d’enfants, d’adolescents et d’adultes, pouvant regrouper, selon la méthode statistique utilisée de 12 à 15 individus (étude J. Duveau).

Empreintes de pas cerclées et imprégnées d’une résine (© A. Gilles).
Conditionnement pour transport dans un bac rempli de sable d’une empreinte imprégné (© D. Cliquet, MC).

Acquisition 3D au scanner surfacique d’une empreinte de pied (© Y. Léonard).

La campagne de fouille 2016

En 2016, l’accent a été mis sur la chronologie des occupations et l’impact de la mise en place des différents épisodes d’éboulements de la partie supérieure de la falaise de schiste, en lien avec les conditions climatiques de l’époque.

Lame en silex (© D. Cliquet, MC).

Si les fouilles menées depuis 2012 avaient permis la mise au jour de plusieurs niveaux d’occupation superposés « fossilisés » par des accumulations de sable éolien, constitués de petits niveaux organiques : sols de dune dégradés et nappages de sable-boueux sur lesquels les néandertaliens ont évolué et laissé les témoignages de leurs activités, la limite orientale des aires investies n’avait pas été atteinte. Aussi, les sols impactés par le piétinement des néandertaliens ne permettait pas de conduire une étude exhaustive des aires de travail, de piétinement et de circulation en bordure du bourrelet dunaire et de l’éboulis. Ce dernier participe à la structuration de la dépression d’arrière dune dans laquelle sont revenus périodiquement les paléolithiques.

Par ailleurs, la nécessité d’élargir notre « fenêtre » d’observation a été motivée par l’engagement d’une thèse portant sur les empreintes de pas de néandertaliens conservées dans les 5 niveaux d’occupation investigués. Ce sont actuellement plus de 180 empreintes qui ont été retenues sur plus de 250 traces reconnues depuis 2012. Les 3 sols supérieurs (D3.1 à D3.3) apparaissent moins bien documentés que les deux complexes inférieurs (complexes D3.4 et D3.5). Cela tient, en partie, à la nature différente des sols.

Bourrelet de sable effectué autour de l’empreinte pour circonscrire la zone de coulage du silastène (© D. Cliquet, MC).
Prise d’une empreinte de pied au silastène dans le but d’en faire un tirage en résine (© D. Cliquet, MC).
Empreinte en silastène d’un pied (© D. Cliquet, MC).
Empreinte du pied droit d’un adolescent dans une fine couche d’argile nappant une couche de sable (© D. Cliquet, MC).
Empreinte du pied droit d’un enfant dans le sable, les orteils sont visibles (© D. Cliquet, MC).

La campagne de fouille 2015

Les fouilles menées en 2015 ont porté sur deux sol sous-jacents à l’éboulis (D3.4 & D3.4) dont la fonction apparaît moins bien caractérisé que les trois niveaux de l’ensemble supérieur du fait d’un moins bon état de conservation des vestiges osseux et vraisemblablement d’une fonction différente des espaces occupés.

Foyer alimenté en bois végétal et en os (© D. Cliquet, MC).

La campagne 2015 a montré le grand intérêt des espaces de piétinement et de circulation des jeunes individus (enfants et adolescents) qui constituaient le groupe. Sur ces 2 complexes de sols, des espaces dévolus aux jeunes ont été mis en évidence en marge des aires de travaux de boucherie.

Éboulis séparant la dune supérieure de la dune inférieure (© D. Cliquet, MC).

L’excellent état de conservation des empreintes a permis de mettre en évidence plusieurs empreintes de mains. Ces vestiges fugaces sont exceptionnels sur les lieux de vie pour ces périodes anciennes.

Sur ces deux sols, une production de lames et de lamelles conduite à partir de nucléus à débitage tournant ou semi-tournant, et sur des «burins-nucléus» apparaît associée à une production d’éclats, dont certains obtenus par la Méthode Levallois.

Lames et lamelles issues de la dune inférieure (© D. Cliquet, MC).
Bloc de colorant (hématite) apporté et utilisé sur le site par les préhistoriques (© D. Cliquet, MC).
Amas de débitage de produits laminaires (© D. Cliquet, MC).
Empreinte du pied droit d’un adolescent dans un sol boueux incorporant des plaquettes de schiste (© D. Cliquet, MC).
Empreinte du pied droit d’un très jeune enfant dans un sol sableux nappé d’une fine couche d’argile (© D. Cliquet, MC).
Empreinte du pied gauche d’un adolescent dans un sol boueux incorporant des plaquettes de schiste, les orteils sont visibles (© D. Cliquet, MC).
Empreinte à bourrelet du pied droit d’un adolescent dans un sol sablo-argileux (© D. Cliquet, MC).

La campagne de fouille 2014

Bois de chute de cerf élaphe de grande taille (© D. Cliquet, MC).

Durant l’été 2014, nos efforts se sont focalisé sur la poursuite de l’analyse des sols d’occupation et des amoncellements de blocs et des coulées de blocailles qui séparent la partie supérieure du massif dunaire de la partie inférieure. Ceux-ci illustrent d’important épisodes d’éboulements de blocs de schiste de la partie supérieure de la falaise traduisant les pulsions froides et humides de la fin du dernier interglaciaire où le gel peut s’exprimer. Entre ces phases des individus se sont installés. En témoignent, des vestiges lithiques et de faune consommée, la présence de foyers et d’empreintes humaines.

Amas de débitage d’éclats en silex à proximité de l’aire de travaux de boucherie (© D. Cliquet, MC).
Foyer allumé à même le sol avec du pin syvestre sur les espace de traitement des carcasses d’herbivores (© D. Cliquet, MC).
Fragment de buche carbonisée trouvée à proximité d’un foyer (© D. Cliquet, MC).

Ainsi, deux ensembles s’individualisent, séparés par un puissant éboulis.

L’ensemble supérieur comporte trois sols (D3.1 à D3.3) correspondant à des aires de travaux de boucherie qui présentent globalement le même type de structuration de l’espace comportant des enclumes en pierre, de nombreuses plaques de schiste, apportées sur la dune et posées au sol, des postes de débitage d’éclats (amas) destinés à la production de supports d’outils, des foyers et des aires de piétinement de Néandertaliens.

Vestiges de faune sur l’aire de découpe d’ herbivores (© D. Cliquet, MC).
Amas de silex taillés au sein de l’aire de de travaux de boucherie (© D. Cliquet, MC).

Sous l’éboulis, dans l’ensemble inférieur, la faune apparaît moins bien conservée. Le mobilier lithique, en quartz et en silex s’individualise par une production laminaire et lamellaire obtenue par débitage semi-tournant et tournant, comme dans l’abri TR 67, fouillé par F. Scuvée. Le complexe D3.4 a livré de nombreuses empreintes de pieds.

Empreinte du pied gauche d’un adulte dans un sol sableux, organique, incorporant des esquilles d’os de faune (© D. Cliquet, MC).